William Bartram est un naturaliste américain, fils de John Bartram.
W.P. Inman, le héros de Cold Mountain, grand roman sur la guerre civile de Charles Frazier avant de devenir un film à succès, lit les Voyages de William Bartram.
Livre mythologique sur l’Amérique que Frazier compare à Melville. Un voyage à travers les huit colonies du Sud, notamment la Floride, les deux Carolines et la Géorgie avant même que n’existent les États-Unis. Bartram est le premier naturaliste américain né sur la terre américaine ; en 1739 à Kingsessing, alors un village à côté de Philadelphie. Ses récits ne sont pas aussi connus que le grand classique de Lewis et Clark ou les livres de John Muir ou Audubon, mais Bartram appartient à la légende américaine. Des markers (bornes), des sentiers bien balisés, des circuits en canoë entretenus par ses fans et des sociétés savantes suivent ses périples. Comme le dit Fabienne Raphoz dans sa savante et plaisante introduction à la nouvelle édition française de ses Voyages, « malentendu ou pas, l’histoire des États-Unis est liée dès l’origine à l’histoire naturelle ». Bartram lorsqu’il explore la Floride d’alors et les territoires indiens découvre un espace vierge. Quelques colons, quelques aventuriers ou trappeurs sont installés le long des rares routes ou fleuves navigables. Les Espagnols sont partis, laissant quelques fortins à moitié détruits.
Respect
Bartram n’est pas un conquérant. Il raconte une Amérique qu’il veut innocente, protégée des hommes, de leurs industries et de leurs querelles. Il ignore ainsi superbement la guerre d’indépendance pourtant contemporaine de ses explorations. Bartram aime les plantes et les animaux. Il porte un respect immense, et exceptionnel en ce temps, aux populations indiennes rencontrés et qui bientôt disparaîtront. Les éditions Corti publient justement cette édition dans sa très belle collection
« Biophilia » dédiée à « l’amour du vivant ».
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Pour Bartram né en 1739 dans une famille de quaker, le genre animal vaut le genre humain, tous êtres vivants et créatures du bon Dieu. Il aime les grenouilles comme les alligators, les mouches comme les dindons sauvages. Il raconte comme un immense serpent, dit fouet de cocher, l’a accompagné durant des milles et comment le reptile s’intéressait à ce voyageur venu de si loin.
Un Indien séminole le surnomme « puc puggee », celui qui ramasse des fleurs. Et durant ses quatre ans d’aventures, Bartram collectionnera flore et faune. Il dessine, peint, décrit avec un soin maniaque tous les végétaux et animaux qu’il rencontre, découvrant au passage des dizaines de spécimens alors inconnus. L’édition de Corti est accompagnée d’un portfolio de ses gravures de grues et hérons, de lotus d’Amérique ou de tortues molles à épines qui seront, à l’époque, autant de découvertes pour les botanistes ou ornithologues.
Le destin de ses Voyages sera immense. Bartram revient en janvier 1777 à Philadelphie dans la ferme familiale. Il attendra près de quinze ans pour publier en 1791 ses Voyages qui eurent un immense succès, notamment en Europe. Inspirant les poètes romantiques anglais dédiée comme Coleridge et Wordsworth, qui tous deux rendent hommage au voyageur du Nouveau Monde. Comme l’écrit Fabienne Raphoz, « aux yeux des poètes anglais, que fait Bartram ? Ni plus ni moins, mais c’est ça la beauté poétique et l’extrême difficulté du “ni plus ni moins” que d’exposer le paysage tout en étant inspiré par lui, pas seulement sur le motif, face à l’espace paysage mais aussi en temps réel ». Et d’ajouter : « Le paysage est découvert et décrit, dans sa virginité première, à l’état naissant. » Thème romantique, s’il en fut.
« Atala ».
Le livre fut aussi traduit en français et le texte de Corti reprend, tout en le corrigeant et le précisant, celui de l’époque. Bartram inspire notamment Chateaubriand. Atala, son grand roman américain, hymne au bon sauvage, reprend des passages entiers de Bartram sans le citer, transposant les scènes de Floride en Louisiane. Le vicomte se retrouvait dans le lyrisme extatique sur la nature sauvage de son prédécesseur en Amérique. Les deux éditeurs de Corti ont poussé leur passion jusqu’à revenir sur les traces de Bartram. Ce que Fabienne Raphoz et Bertrand Fillaudeau appellent le voyage dans le voyage. Ils publient ainsi leurs photos d’aujourd’hui de la rivière Altamaha ou de Savannah et des animaux qui peuplent maintenant leurs eaux ou leurs prairies et que leur héros avait parcourues. Une Floride ou une Georgie sans station-service ou publicités ; ils rencontrent pêcheurs et passionnés de Bartram qui entretiennent cette idée fondatrice et mythique, d’une Amérique innocente, à l’état de nature.
François Sergent, | Libération | 28 février 2013