Javier Tomeo | Ibériques (2013)
Traduit de l'espagnol par Denis Laroutis
Basilio et Lupercia, un couple de petits commerçants à la dérive. Dans leur boutique de frivolités, Éros n’est plus au rendez-vous. Par bonheur, la technique et le marché du sexe leur offrent des solutions dont ils entendent, l’un comme l’autre, ne pas se priver. Big John et Marilyn, poupées gonflables de quatrième génération, solidement armées pour la chose, sauront-ils apporter aux époux en mal de tendresse les plaisirs qui leur rendront la joie de vivre ? Pourront-ils, amants de silicone, s’oublier eux-mêmes pour accomplir leur mission ? Rien n’est moins sûr et le batifolage est un jeu dangereux quand la jalousie s’en mêle. On peut y laisser sa peau.
Javier Tomeo revient avec une fable à sa façon, ravageuse, où d’improbables personnages prennent vie, contre toute attente, et entraînent le lecteur sur des voies on ne sait plus si cruelles ou tendres, en tout cas inattendues, bien peu convenables et tellement humaines.
“Les Amants de silicone est un roman sur l'amour – c'est-à-dire la psychologie et la pornographie – à l'âge moderne et des éventuelles différences que cela comporte par rapport à l'amour à l'âge classique, et c'est très drôle. Javier Tomeo, né en 1932 en Espagne, et dont Bourgois et Corti ont déjà traduit une flopée de livres toujours pleins de fantaisie, met en place un dispositif en fait assez simple. Le narrateur a un ami qui lui soumet le manuscrit pornographique qu'il est en train d'écrire pour avoir son opinion et ses corrections. Ce narrateur est d'autant moins prêt à tenir ce rôle qu'il trouve le texte nul. On croit d'abord qu'il s'agit de l'histoire de Basilio et Lupercia, couple de bonnetiers en difficulté maintenant lié par le désamour, mais les véritables héros sont Marilyn et Big John, les poupées gonflables aussi perfectionnées que le permet l'époque et que les commerçants ont acquises afin de pouvoir se passer de leur partenaire humain dans leurs ébats à prétention érotique. Mais les poupées n'en ont rapidement que faire des humains et parviennent entre elles à une vie sentimentale et sexuelle autrement satisfaisante.”
Mathieu Lindon | Libération du 4 avril 2013