Tatiana ARFEL | Les Massicotés (2018)
Première édition en 2009
Ils sont trois à parler à tour de rôle, trois marginaux en bord de monde.
Il y a d’abord Giacomo, vieux clown blanc, dresseur de caniches rusés et compositeur de symphonies parfumées. Il court, aussi vite qu’il le peut, sur ses jambes usées pour échapper à son grand diable noir, le Sort, fauteur de troubles, de morts et de mélancolie.
Il y a la femme grise sans nom, de celles qu’on ne remarque jamais, remisée dans son appartement vide. Elle parle en ligne et en carrés, et récite des tables de multiplications en comptant les fissures au plafond pour éloigner l’angoisse.
Et puis il y a le môme, l’enfant sauvage qui s’élève seul, sur un coin de terrain vague abandonné aux ordures. Le môme lutte et survit. Il reste debout. Il apprendra les couleurs et la peinture avant les mots, pour dire ce qu’il voit du monde.
Seuls, ces trois-là n’avancent plus. Ils tournent en rond dans leur souffrance, clos à eux-mêmes. Comment vivre ? En poussant les parois de notre cachot, en créant, en peignant, en écrivant, en élargissant chaque jour notre chemin intérieur, en le semant d’odeurs, de formes, de mots. Et, finalement, en acceptant la rencontre nécessaire avec l’autre, celui qui est de ma famille, celui qui, embarqué avec moi sur l’esquif ballotté par les vents, est mon frère.
On ne cueille pas les coquelicots, si on veut les garder vivants. On les regarde frémir avec ces vents, dispenser leur rouge de velours, s’ouvrir et se fermer comme des coeurs de soie. Giacomo, la femme grise, le môme, que d’autres ont voulu arracher à eux-mêmes, trouveront chacun dans les deux autres la terre riche, solide et lumineuse, qui leur donnera la force de continuer.
L’Attente du soir s’inscrit dans la lignée des premiers romans ambitieux et radicaux (...). Certaines des dernières pages rédemptrices du récit illuminent à l’évidence un beau talent choral, une belle énergie à manier ses personnages. Des promesses qui invitent le lecteur à l’impatience de lire à nouveau Tatiana Arfel.
(Nils C. Ahl, Le Mondes des livres)
Un premier roman ample et ambitieux (...), zébré du trafic cruel et sournois des désirs frustrés, riche et résonnant de ces splendeurs clandestines qui ferraillent parfois à l’horizon chimérique de nos rêves.
(Richard Blin, Le Matricule des Anges)
C’est immédiatement prenant, envoûtant même, évoquant à la fois les enfants d’Agota Kristof ou de Romain Gary, avec quelque chose de pourtant inouï et de jamais vu qui tient à la saisissante porosité émotionnelle de l’auteur et à sa capacité d’exprimer, avec ses mots, simples, et ses images, très concrètes, toute la tristesse de la vie froide et toute la merveille du monde.
(Jean-Louis Kuffer, 24Heures)
Tatiana Arfel regarde au plus profond des êtres, pour en extirper ce qu’ils ont de plus beau.
(Marine Landrot, Télérama)
L’attente du soir est un récit d’une force rare, animé par une langue poétique envoûtante.
(Jeanne Bacharach, En attendant Nadeau)