Éditions Corti

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Ciels de traîne

Claude Dourguin | En lisant en écrivant, 2011

Livres, moments — ici-bas regarder, s’occuper de la terre, écrire, voyager —, musiques, paysages, peintures, rencontres qui ont ébranlé, perturbé, il s’agit de traces laissées et de ce qui vient après, perspective neuve, décapée, mieux visible, déroutante parfois, ce qui s’installe à leur suite : des rêveries et leurs cours. Il s’agit de bonheur — l’esprit trouve là son plus heureux régime, rapide, vif plein de surprises — et de reconnaissance. Car le mouvement, l’élan, davantage, le pouvoir germinatif c’est à l’extérieur de soi qu’il se trouve, presque toujours c’est à d’autres que nous le devons. Aussi vers, réflexions, nulle lassitude jamais à les faire revenir, les écouter, se laisser habiter par leurs « petite(s) phrase(s) ».
Le ciel de traîne est une fête.


Il est singulier que l’on ne fasse plus qu’un usage technicien des « textes » que sont devenues les oeuvres, au lieu de lire celles-ci et d’en tirer plaisir parce qu’elles nous aident à vivre. On souscrit bien sûr sans réserve à l’apostrophe de Mallarmé à Degas — « Ce n’est point avec des idées, mon cher Degas, que l’on fait des poèmes. C’est avec des mots. » Mais on aimerait rappeler une condition — qu’il y ait sous leur enveloppe un coeur battant, le coeur battant des choses, de la réalité et non une simple forme sonore ; et une conséquence — que le livre (beau ou pas d’ailleurs) soit fait pour aboutir au monde et non l’inverse. (Ceci après avoir dû éclaircir la défiance à l’endroit de ce poète ou plutôt l’absence d’intérêt sinon forcé à son endroit, en raison de son formalisme autant que de sa dramatisation de l’acte d’écrire.)

Idée venue en considérant la cave et, d’autre part, le déballage des libraires, pêle-mêle effroyable : chacun, lecteur d’abord, n’aurait-il pas à gagner à exiger que sur le livre-produit, soit inscrit la mention « de garde » pour certains (équivalents des grands crus), et, pour les autres, la date limite de consommation ? Chacun, ainsi, choisirait selon son usage.