Claude Louis-Combet | Domaine français, 2005
Saint Druon est une figure très populaire du folklore religieux du Nord de la France où il est donné comme patron des bergers. Sa légende remonte au XIIe siècle. Elle rapporte qu’ayant provoqué la mort de sa mère à sa naissance, Druon éprouva dans son enfance un puissant sentiment de faute personnelle. Arrivé à l’adolescence, il s’enfuit du château familial, rompit tous liens avec sa classe aristocratique qui lui promettait un bel avenir et, afin de faire pénitence, s’engagea comme gardien de troupeau de moutons. Considérant ensuite que seul le pape pouvait l’absoudre de ce qu’il regardait comme le meurtre de sa mère, il fit neuf fois le pèlerinage à Rome, sans jamais pouvoir rencontrer le souverain pontife. Il revint alors dans son village d’adoption, s’enferma dans un ermitage et, pendant quarante ans, jusqu’à sa mort, mena la vie de reclus.
Le narrateur, mythobiographe, s’empare de cette trame édifiante et romanesque. Il y insinue sa propre part de rêverie fortement hérétique et quelque peu érotique, sur la quête de la sainteté, l’expérience mystique, le désir de fusion amoureuse avec la Terre et la Femme, Vierge et Mère. La méthode implique l’abandon à la toute-puissance de l’identification inconsciente. Mais la langue intervient pour transmuer cette matière de ténèbre en transparence de prose et pur espace de texte. (Claude Louis-Combet)
Claude Louis-Combet
Après Marinus et Marina, Blesse, ronce noire, L’âge de Rose, Claude Louis-Combet renoue avec les grandes mythobiographies et offre un véritable chef-d’œuvre.
Ce livre marquera certainement une étape majeure dans son œuvre car y sont amplifiées toutes les qualités (ampleur du style, puissance du sujet qui dépasse, et de loin, la thématique religieuse dans laquelle il serait trop simple de vouloir le confiner, puissance des personnages dont la quête d’absolu est d’une éternelle modernité, etc.) qui font de cet écrivain l’une des voix les plus singulières du paysage littéraire contemporain.
Louis-Combet est un des derniers écrivains de l'imaginaire, du fantasme. Et s'il n'est pas mieux connu, c'est peut-être parce qu'il y a un certain danger à le lire. Ses récits sont en effet peuplés de créatures moites s'adonnant à divers courts-circuits sexuels et qui sont capables de s'aboucher à l'inconscient du lecteur pour y produire de doux ravages. On est happé, digéré avec patience, poussé à des extravagations inouïes ; sa lecture échauffe les esprits comme celle de Sade ou de Bataille.
Éric Loret, Libération, 17 avril 2003.