Shelley JACKSON | Littérature Étrangère (2010)
Traduit par par Bernard Hoepffner
Dans l’Anatomie de la Mélancolie, Robert Burton tente de faire l’anatomie d’un état de l’esprit, Shelley Jackson (née en 1963) tente, au contraire, de spiritualiser l’anatomie. Ce faisant, elle donne au lecteur tout le plaisir que l’on peut trouver dans les vieux livres de science que l’on connaît surtout aujourd’hui pour leur qualité littéraire. La Mélancolie de l’Anatomie, explore ce même territoire, celui des limites entre la littérature et la recherche scientifique, entre la citation à outrance et une écriture entièrement neuve, entre la religion et la fantaisie. Comme le dit l’auteur, « Si certaines de mes phrases sont d’une grande complexité, ce n’est rien quand on les compare à celles de Burton. »
Là où Burton pénètre dans le corps humain pour y chercher les liens entre l’esprit, la psyché et le corps tel qu’on le connaissait à la fin de la Renaissance (en fonction de la théorie des humeurs), Jackson imagine l’œuf, le sperme, le fœtus, le cancer, les nerfs, les godemichés, le flegme, les cheveux, le sommeil, le sang, le lait et la graisse comme extérieurs, séparés, influençant les humains, leur corps, leur culture, leurs relations, du dehors. Son livre est également structuré selon les humeurs, qui divisent le livre en quatre parties : Cholérique, Mélancolique, Flegmatique et Sanguin.
Jackson se concentre sur ce qu’elle appelle les « résidus » du corps, elle leur donne une vie séparée et imagine, avec humour, énormément d’imagination verbale et une très grande virtuosité de construction, comment les êtres humains peuvent interagir avec tous ces éléments dont ils font en général peu de cas.
Robert Coover a dit de Shelley Jackson qu’elle était un des talents les plus mûrs et originaux de sa génération.