Roberto JUARROZ | Ibériques (2012)
Traduit de l’espagnol par François-Michel Durazzo
Une profération somnambule
C’est ainsi que Martine Broda qualifiait la poésie de Roberto Juarroz, grand poète argentin disparu en 1995. Sa poésie est en effet répétitive (ce qui n’est pas pour nous péjoratif), tout d’abord par le titre : Poésie verticale, suivi d’un chiffre différent pour chacun des volumes.
Le singulier de «poésie» transforme les 72 poèmes de la Dixième poésie verticale en un poème unique, de même que celui-ci s’inscrit dans la continuité d’un titre unique, d’un dire unique, qui resurgit et se prolonge d’un livre à l’autre.
La Dixième poésie verticale nous donne chaque fois, en page de gauche, le texte original. Ce qui augmente notre plaisir, faisant de nous, lecteurs, des traducteurs sauvages, et en accord avec l’auteur, puisque, pour lui, son œuvre doit demeurer ouverte et le lecteur actif, la traduction, par conséquent aussi, en évitant la réduction et en privilégiant l’étrangeté.
Lisant cette œuvre, le lecteur associe spontanément poésie et pensée. Mais encore? S’agirait-il d’une poésie de la sacralité et de la transcendance? D’une poésie de la méditation? D’une poésie philosophique? Difficile de répondre clairement, tout de suite, sans enfermer Juarroz, sans l’amputer.
Juarroz cite quelquefois Schelling mais surtout Novalis, ce qui pourrait permettre de dire de lui qu’il est à sa façon un romantique, un homme des «correspondances», mais argentin à la manière de Borges.
Marie Étienne | La Quinzaine littéraire
Chacun des poèmes de ce « mystique profane » porte la trace d’un instant d’illumination ; la limpidité en est trompeuse : elle est le fruit d’un intense travail sur la langue, qui exige du traducteur d’infinies précautions. Pari tenu !
Jean-Yves Masson | Le Magazine littéraire