Éditions Corti

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Et maintenant le noir

Peter Gizzi | Série américaine, 2022
Traduit par Stéphane Bouquet

Et maintenant le noir est le quatrième recueil de Peter Gizzi traduit en français. On y retrouve sa voix mélancolique, noire presque d’encre. Un lyrisme si l’on veut d’après la catastrophe : le monde a subi des coups, des chocs, des accidents. Les deux frères de l’auteur sont morts, par exemple, les amours sont parties, les amis sont loin. Les choses sont souvent cassées, défaites, brûlées, abîmées. « La maison se délabre ». Et pourtant il faut continuer à vivre et peut-être à aimer et sans doute à mourir. C’est ce que dit Gizzi lui-même de ce livre : « C’est une façon de changer un cœur brisé au milieu d’un monde acharné en un cœur acharné au milieu d’un monde brisé. »

Le « Je » qui se promène dans les poèmes de ce recueil semble avoir perdu toute relation facile avec le monde. « J’ai perdu le signal » dit le poète dans un des textes. Mais aussitôt vient la solution : « alors j’ai pensé que j’allais écrire un poème ». Peter Gizzi a mille façons de dire la même chose : « Dans ma tête, un volant incapable de rien diriger d’autre qu’une chanson et tout le reste est survie — »

Chanson est une façon fréquente pour Gizzi de dire poème : ses textes en effet chantent à leur façon. Ils chantent, ils aiment les refrains, les répétitions, le bruit de ferraille que font parfois les syllabes cliquetantes.

La poésie indique donc la direction. Elle est le volant. L’autoroute. Le satellite GPS. La survie.

Parce que, en vérité, le poème n’a pas renoncé au monde, il fait au contraire de son mieux pour lancer son propre signal, même faible, pour tracer sa propre route, même méandreuse, et pour trouver une façon de fréquenter un peu les choses afin de s’y tenir un peu, au moins un peu.

On tombe souvent dans ces pages sur le mot « standing » : debout – debout dans les choses. Cet effort, ce combat pour ainsi dire, afin d’être, de rester debout, est une des grandes émotions que procurent les poèmes de Peter Gizzi.