Pierre Chappuis | Poésie | Domaine français, 2011
D’après nature, titre longtemps maintenu à propos des proses réunies ici, pour la part essentielle qu’y tiennent les paysages, et pour son ambiguïté : au delà d'une relation simple, directe, immédiate avec ce qui nous entoure, l’expression notifie un passage par le détour de l'art, nécessitant « travail sur le motif ». En cause donc, tant les étendues dites des Grands Marais près de chez moi que, leur faisant écho, les pages de Sylvie par quoi nous devient si présent le Valois cher à Nerval ou, regardés d’un même œil, un paysage familier, de tous les jours, ou découvert inopinément, ou ressouvenu d'un rêve, et celui d'un tableau. Ce qui, ici comme là, retient ou plutôt mobilise l’attention, riche de résonances secrètes, appartient plus encore à (Joubert) “l’évidence intérieure intime” qu’à la réalité dite extérieure. Tels, bien souvent dans les pâturages de montagne, muettes émergences, ces affleurements de pierres ou de roches. Aux mots alors, eux aussi surgis d’un sous-sol qui échappe à notre domination et à notre maîtrise, à eux de dire, tenter de dire et rendre sensibles des impressions vives, néanmoins, à peine reçues, promptes à se dérober.. (P. Ch)
"L’aspect lacunaire des poèmes de Pierre Chappuis, avec leurs phrases incomplètes souvent interrompues par des blancs spectaculaires, ne doit pas être interprété comme le signe d’un manque ou d’une déficience, mais plutôt comme le ressort d’une paradoxale plénitude. Les marges de ces poèmes sont pleines de ce qu’elles ne disent pas mais donnent à entendre. Du paysage, ils suggèrent d’autant plus qu’ils décrivent moins, comme l’horizon laisse au rêve et au désir une marge inépuisable, dans la mesure où il dérobe toujours quelque chose au regard.”
Michel Collot, Paysage et poésie