Georges Picard | Domaine français, 2016
« Le sage des bois » est le surnom ironique donné au jeune héros de cette histoire par ses amis qu’il ne cesse de harceler avec son grand projet : s’établir à l’écart de la civilisation, bâtir sa cabane, cultiver son potager et son esprit comme le fit Henry David Thoreau, un siècle et demi auparavant, près de l’étang de Walden dans le Massachusetts. Mais dans la France contemporaine, le désir de solitude, de pureté et de sagesse n’est pas si facile à combler, surtout chez un jeune homme exalté dont l’idéalisme philosophique se heurte à des obstacles misérablement concrets.
Ce roman humoristique est un hommage au merveilleux Walden ou la vie dans les bois (1854) du poète américain et une évocation nostalgique des illusions de la jeunesse aspirant à atteindre une forme d’absolu personnel, à l’opposé de l’esprit routinier et mesquin de nos sociétés de consommation. Du haut de ses soixante-dix ans, l’auteur a voulu restituer la spontanéité et la saveur juvéniles d’un temps où il espérait découvrir les « secrets de l’existence » dans le rejet de toute concession à la vie banale.
Ce livre, revanche du rêve et du désir sur la plate réalité, illustre l’une des fonctions de la littérature : maintenir envers et contre tout la vitalité des illusions poétiques qui magnifient la vie.
La touche Picard, c’est ce surcroît de fantaisie et de profondeur (si l’on entend par profondeur cette persévérance à imaginer derrière toute chose quelque chose de plus fondamental).
François Busnel | L’Express.