Éric Faye | Domaine français, 2005
Attention, stakhanovistes, jeunes loups aux dents de requin, ce livre n'est pas pour vous : le personnage type qui peuple ces nouvelles est en lutte contre le travail, aux prises chaque jour avec le travail, il est écrasé par un labeur érigé en religion. Rien à voir cependant, chez lui, avec de l'oblomovisme ; notre homme serait malheureux comme une pierre dans les romans d'Albert Cossery. C'est qu'on l'a dressé tout petit au travail, on lui a dit que la vie, c'était ça. Or, voilà que notre homme n'en peut plus de son paradis terrestre aux coulisses jonchées de cadavres. Notre homme a-t-il enfin percé le secret de l'énorme machine à profit qui a fait de lui un mammifère rentable, efficient et docile ? Toujours est-il que ce mammifère n'a plus qu'un rêve, s'échapper du cirque.
“Regarde-la en face, ta vie : déjà tu consultes ta montre, tu sues de stress, crains que ton retard ne se remarque, alors que tu n'es pas en retard. Ton supérieur te fout la chiasse. Tu te hâtes vers un bureau cerclé d'autres bureaux et dans ces alvéoles bourdonnent des employés et beaucoup d'autres employés devant lesquels tu fais semblant, tu usurpes jusqu'à la tombée de la nuit, espérant qu'on ne te démasquera pas”.