Né en Champagne à Bar-sur-Aube le 27 juin 1884, d’une famille d’artisans cordonniers, Gaston-Louis Bachelard, fait ses études secondaires au collège de sa ville, devient à l’âge de dix-huit ans répétiteur au collège de Cézanne, puis, vers sa vingtième année, employé aux Postes et Télégraphes de Remiremont. Après son service militaire comme cavalier télégraphiste au 12e Dragon à Pont-à-Mousson, il se retrouve (de 1907 à 1913) commis des Postes au bureau de la gare de l’Est, à Paris. Une bourse lui permettra de 1913 à 1914 de suivre les cours de "Math Spé" à Saint-Louis pour préparer un concours d’ingénieur télégraphiste.
La guerre, dans les unités combattantes, lui fera connaître trente huit mois de tranchées et obtenir la Croix de Guerre. Démobilisé en mars 1919, il se marie, mais sa jeune femme n’aura que le temps de lui donner une petite fille, Suzanne, avant de mourir en juin 1920.
Il enseigne la physique
et la chimie au collège de Bar-sur-Aube jusqu’en 1930 mais entre-temps, il a passé, coup sur coup, en autodidacte et frisant la quarantaine, sa licence et son agrégation de philosophie. Cinq ans plus tard (1927), il est docteur es lettres Sa thèse : Etudes sur l’évolution d’un problème de physique : la propagation thermique dans les solides marque déjà par son sujet et son esprit la place qu’il occupera dans l’évolution de la philosophie contemporaine.
Chargé de cours, puis professeur de philosophie à la faculté des Lettres de Dijon, il devient en 1940 professeur à la Sorbonne, qu’il quittera en 1954 pour prendre sa retraite. Des honneurs qu’il n’a jamais recherchés couronneront sa carrière. Membre de l’Institut en 1955, commandeur de la Légion d’Honneur en 1960, Grand Prix National des Lettres en 1961. Il meurt le 16 octobre 1962 à Paris, et est mis en terre le 19 octobre à Bar-sur-Aube.
Je ne crois pas nécessaire de camper ici un portrait de Bachelard. Toute la presse s’en est chargée dans la dernière année de sa vie. Elle n’a rien laissé ignorer de cet homme trapu, râblé et d’une corpulence tout à fait 1900. En ce temps-là, tout homme au-dessus de quarante ans bedonnait Je plus ou moins. Tout le monde sait maintenant qu’il avait le visage même du philosophe, tel du moins que le rêve l’imagination populaire. On en a admiré la chevelure romantique et la barbe peu soucieuse du ciseau.
Ses familiers, ses étudiants savent seuls qu’il avait l’accueil jovial, la parole vive et que son rire était toujours prêt à fuser aux bons mots — et même aux calembours, à ceux des autres comme aux siens — que la conversation faisait jaillir. Bachelard forçait la sympathie dès l’abord : il n’est pas si commun de voir un grand esprit sous l’apparence d’un homme simple et comme ordinaire. Il avait conquis la mienne dès notre première rencontre, un an après la publication de son Lautréamont.
Je veux dire ici ma reconnaissance à Albert Béguin... C’est à lui que je suis redevable d’être l’éditeur de Bachelard ; de Bachelard de qui les quatre livres majeurs qu’il m’a donnés ont été la semence d’où est née la critique nouvelle.
José Corti, Souvenirs désordonnés.