Éditions Corti

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Robert Davreu

Philosophe de formation, membre dès l'origine du comité de rédaction de la revue Po&sie, où il siégeait depuis plus de trente ans, Robert Davreu, né à Castres le 9 août 1944 et décédé le 25 novembre 2013 à Paris, était avant tout un poète, passionné par l'art et la création contemporaine sous toutes ses formes

PÉTRI DE CULTURE GRECQUE

Ouvert à ses diverses manifestations en France et à l'étranger, pourvu qu'elles témoignent d'audace novatrice et rendent à la langue sa puissance de métamorphose, il la comprenait comme le lieu d'une interrogation sur notre condition. C'est en 1973 qu'il avait publié son premier recueil de poésie, “Alliage des cendres” (Gallimard).

Sa sensibilité l'établissait dans une intimité particulière avec le domaine anglo-saxon (de Keats et Shelley au roman anglais et américain d'aujourd'hui). La langue était pour Robert Davreu le lieu d'une blessure que la création sait affronter et dire. Pétri de culture grecque, il en était un médiateur privilégié : il avait su trouver le rythme voulu pour traduire l'épopée crétoise médiévale de Vitzenzos Cornaros, Erotocritos, Corti, 2008) qu'il avait contribué à révéler au public français.

Il était en train d'achever, pour les éditions Actes Sud, un travail de traduction du théâtre de Sophocle dont, dans sa version, trois tragédies (Les Trachiniennes, Antigone, et Électre) ont été montées par Wajdi Mouawad au festival d'Avignon en juillet 2011.


TRADUCTEUR D'HANNAH ARENDT



En 1985, Robert Davreu avait obtenu le prix Baudelaire de la traduction, pour Le Pays des eaux, de Graham Swift (Robert Laffont). Il n'avait pas été par hasard le traducteur d'Hannah Arendt, dont il avait notamment traduit, avec Jean-Louis Bourget et Patrick Lévy, Le Système totalitaire (Seuil, 1972).

Être chaleureux, généreux et exigeant, secret et volontiers rieur – doté de ce sourire souvent énigmatique mais toujours indulgent – cet « éternel coureur d'estran », comme il aimait à se définir, excellait à faire lien, à favoriser l'éclosion de talents, rôle qu'il a notamment rempli dans les années où il a siégé à la commission dramatique de France Culture. Frappé en pleine activité, il laisse une œuvre considérable dont on pourra trouver un aperçu dans l'ouvrage 120 poètes d'aujourd'hui (Montpellier, Maison du livre et des écrivains, 1992) et dans le Dictionnaire de poésie de Baudelaire à nos jours, dir. Michel Jarrety (PUF, 2001).

Stéphane Michaud | Professeur de littérature comparée

Le Monde, 3 décembre 2013