Mary OPPEN | Série Américaine (2021)
Traduit par Philippe Mikriammos • cahier de photographies
Mary Oppen (1908-1990) était l’épouse de George Oppen (dont l’œuvre est également publiée chez Corti), célèbre poète américain dit « objectiviste », du nom du groupe en réalité assez flou qu’il forma avec deux autres poètes, Louis Zukofsky et Charles Reznikoff.
Mary fut à la fois une activiste, une photographe, une poète et une auteure. Elle rencontra George Oppen en 1926 alors qu’ils étaient tous deux étudiants. C’est le coup de foudre entre ces deux jeunes gens qui aspirent à s’affranchir de leur milieu respectif : Mary, d’origine chrétienne, rêve depuis le plus jeune âge de s’échapper des petites villes où l’on n’ambitionne pas de s’élever culturellement ni de partir à la découverte du vaste monde ; George, lui, cherche à se libérer d’une famille juive qui entend lui dicter un mode de vie dont il ne veut pas — son père est un diamantaire de San Francisco dont la fortune lui a permis d’investir dans des salles de cinéma, et qui aimerait tant que son fils reprenne ses affaires.
Dès lors, Mary et George partageront tout – et disons-le – l’oeuvre de Mary Oppen n’est pas celle d’une femme effacée qui serait restée dans l’ombre de son grand homme. De tous points de vue, George et Mary seront complices jusqu’au bout.
Cela nous vaut le beau récit d’une équipée sur un petit voilier, partant de Détroit, pour rejoindre le cours de l’Hudson via le canal de l’Érié, jusqu’à New York. Puis ce sera le séjour en France (1929-1932), au Beausset, dans le Var, région qu’ils parcourent dans un cabriolet auquel est attelé le fringant Pom-Pon, et où ils créeront, en association avec Louis Zukofsky, resté aux États-Unis, une petite maison d’édition, To Publishers.
Ce qui est admirable dans cette autobiographie de la première partie de leur vie, c’est qu’elle rend palpable et charnelle l’histoire de cette période en même temps qu’elle entremêle les destins de leurs amis et la naissance d’une vocation.
“(...) Une petite fille de 5 ans, dont la maîtresse ne veut pas dans sa classe, prend ses cliques et ses claques et s'arrête chez des gens pour regarder des diapositives au lieu de rentrer chez elle. Mary ne changera jamais.”
Claire DEVARRIEUX, La Ballade de George et Mary Oppen. Mémoire de la femme du poète américain, féministe en acte, Libération, samedi 3 juillet, article complet ci-contre.
“Il était temps que cette admirable biographie soit enfin rendue accessible en traduction française. C’est chose faite maintenant et il ne nous reste qu’à lui souhaiter de se trouver le lectorat le plus large, car elle n’est pas réservée aux puristes de l’objectivisme, mais ouverte à tous les amoureux de l’Histoire américaine. Pour ma part je rêverais volontiers d’une transposition à l’écran, non sous forme de biopic (surtout pas !), mais de fiction dont le/la metteur(e) en scène serait un hybride fémilin (comme dirait Dominique Fourcade) de Murnau, Chaplin, Ford et Jarmusch.”
Christian Rosset, Diacritik, article complet.