John MUIR | Domaine Romantique (2008)
Traduit par André Fayot
1881. Depuis une bonne trentaine d’années, la conquête des pôles est devenue l’objet d’une lutte acharnée entre les nations et l’on ne compte plus les tentatives, officielles ou privées, dans ce sens – principalement dans l’Arctique où il s’agit aussi de trouver une route réduisant la distance entre l’Atlantique et le Pacifique, soit par le nord de l’Amérique (passage du nord-ouest), soit par celui de l’Asie (passage du nord-est). Personne n’a encore atteint le pôle, le passage du nord-ouest reste toujours à découvrir, seul celui du nord-est vient de céder à la ténacité et à la remarquable organisation du Suédois Nordenskjöld, parti sur la Vega, après que bien d’autres ont dû renoncer ou ont disparu, broyés par les glaces.
C’est ainsi qu’à San Francisco on reste sans nouvelles du capitaine De Long et de son équipage, partis deux ans plus tôt pour l’océan Glacial à bord de la Jeannette. Une expédition de secours est donc organisée pour tenter de les retrouver – mission qu’on propose à John Muir d’accompagner. L’occasion est trop belle pour ne pas la saisir. Il a déjà visité deux fois le sud-est de l’Alaska, mais le spécialiste de la glaciation qu’il est devenu n’est jamais allé aussi haut en latitude et le détroit de Béring devrait, à son avis, confirmer les idées qu’il s’est forgées sur ce sujet dans la Sierra.
Pendant tout le voyage, l’aventurier naturaliste va tenir ce journal, qui nous permet de suivre au jour le jour les allées et venues du Corwin dans la banquise et le long de côtes parfois encore mal définies. Curieux de tout, tel qu’on le connaît par ses autres livres, il ne se limite pas, à la géologie des contrées qu’il traverse, mais c’est avec la même passion et le même enthousiasme qu’il s’intéresse aux problèmes de navigation parmi la glace, aux oiseaux et aux mammifères marins – pointant alors du doigt les excès d’une chasse déjà industrielle qui met les espèces en péril – ou à la flore arctique dont il dresse minutieusement l’inventaire. Quant aux populations locales, Tchouktches et Inuits, dont les rudes conditions de vie et l’adaptation parfaite au milieu suscitent son admiration, il fait preuve envers elles d’une ouverture d’esprit qui forme depuis l’enfance le fond même de son caractère, et leur porte une sympathie a priori qui lui attire irrésistiblement celle du lecteur.