Fabio MORABITO | Ibériques (2019)
Traduit par Marianne Millon
À Cuernavaca, près de Mexico, Eduardo se voit infliger un travail d’intérêt général original suite à un retrait de permis : faire la lecture à des particuliers. Un jour, il s’aperçoit de la mystification des frères Jiménez, à qui il lit Crime et Châtiment : Luis, invalide, s’exprime à travers Carlos, qui est ventriloque. La famille Vigil, présentée comme sourde et qui lit L’Île mystérieuse sur ses lèvres, lui a menti elle aussi : si la grand-mère est bien sourde-muette et les parents sourds, le jeune homme découvre que les enfants entendent et peuvent parler, mais se sont adaptés à leur entourage. Le seul à l’apprécier est le colonel Atarriaga… qui s’endort, bercé par le ton monocorde avec lequel il lit Le Désert des Tartares. Un jour, Eduardo découvre des poèmes d’Isabel Fraire dans un vieux livre de comptes de son père, et s’aperçoit que Celeste, analphabète, est émue par celui qu’il lui lit. Il découvrira avec stupéfaction qu’elle les connaît par cœur. Pourquoi ?
Parallèlement à ses visites, Eduardo est racketté par Güero, un ancien employé du magasin de meubles de son père qu’il a repris, lié aux narcotrafiquants, car la « ville de l’éternel printemps » où il faisait si bon vivre subit aujourd’hui la loi des cartels.
Les vies des uns et des autres se mêlent autour de ses lectures aveugles, sourdes, parfois muettes. Aussi manquées ou étranges soient-elles, elles révèlent des problèmes de communication presque magiques. Le récit, bien construit, d’un chagrin joyeux et joyeusement fantaisiste, ne les résout pas tous ; la poésie, si.
Philippe Lançon, “Libération”, 7 juin 2019. Lire l’article complet.
Fabio Morabito a obtenu en 2019 le prix prestigieux Villaurrutia (qu’Octavio Paz notamment avait reçu) pour « Le Lecteur à domicile ».