Hans Henny JAHNN | Pauvreté, richesse, hommes et bêtes
Traduit par R. Radrizzani
De même que Fleuve sans rives est l’oeuvre maîtresse du prosateur, Pauvreté, richesse, homme et bête, écrit vers la même période (1933), s’impose comme une pièce majeure de Hans Henny Jahnn.
Pour Jahnn, la réalité est ancrée dans le mythe ou la légende. Alors que les protagonistes de ses grands romans sont des réincarnations des héros de l’épopée Gilgamesh, dans cette pièce, Jahnn se réfère à un conte de Grimm, La Gardienne d’oies. Dans ce conte, une servante usurpe la place d’une princesse pour épouser un prince, la ravale au rang de gardienne d’oies et fait tuer son cheval magique, Falada. Mais elle sera trahie par celui-ci, dont la tête a gardé la faculté de parler même après sa mort. – Jahnn opère cependant un changement de perspective radical : ce n’est pas la princesse qui est le personnage central, mais l’homme à qui elle est destinée.
Le drame ouvre le regard sur un univers d’une grande richesse : Manao Vinje est placé entre des voix intérieures, la nature et le monde animal, le monde social, son travail, et les femmes.
Le langage, comme taillé dans le roc, a une grande force, sans les outrances juvéniles de Pasteur Ephraïm Magnus, dont des traces subsistent même dans Médée.
Alors que Médée réinvente un mythe ancien, Richesse, pauvreté, homme et bête est ancré dans la réalité de tous les jours ; limitant son poème aux êtres et aux motifs les plus naturels, Jahnn atteint ici une simplicité classique.