Sanglier | Dominique Rameau | Biophilia n°11, 2017
Sybille débarque fortuitement à la campagne, dans une maison qu’on lui prête une semaine. Elle est d’abord perdue, très seule ; mais les rares habitants qu’elle rencontre sont chaleureux. Et surtout dehors, toutes ces choses qu’elle ne connaît que de nom, grillons, oiseaux, herbes, l’intéressent.
Syb tâche d’en savoir plus. Dynamique et intrépide, elle multiplie les sorties, les explorations, les expériences ; le jour, la nuit ; sur les rochers, dans l’eau glacée, au fond d’un pré. Elle prend des risques. Pour rejoindre les vaches, les lézards, les sons bizarres, la lune, elle invente, varie les approches, dessine, rêve.
C’est très physique : elle se cogne, s’essouffle, se blesse aux ronces et aux barbelés. Mais elle n’a pas froid aux yeux. Sa solitude semble ici normale : renard, âne, vieille dame farouche et rieuse, adolescente étrange et attirante.
Chaque jour de cette petite semaine l’éloigne davantage de ce qu’elle maîtrise, l’ouvrant à l’inconnu du monde ; elle s’y livre sans retenue.
Un roman bref, à une seule aventure et cent cinquante deux herbes, bêtes et gens.
Quel premier roman vous a particulièrement marqué ?
Réponse de Grégoire Courtois, librairie Obliques, Auxerre :
« Sanglier » de Dominique Rameau (Biophilia, Éditions Corti). Une jeune femme débarque dans une maison à la campagne, dans le Morvan, et part à la découverte des habitants et de cette nature qu’elle ignore, qui l’intrigue et qui se révèle à elle. Les descriptions sont splendides et c’est de la belle orfèvrerie stylistique.
(...)Dans l’Antiquité, la sibylle prédisait l’avenir, mais la Sybille de notre roman aime surtout être seule, se livrer corps et âme aux méandres et aux sortilèges de l’esprit du lieu où elle se trouve. Et si elle va nue comme les bêtes - “Vous voyez, je suis comme vous, je suis nue.” - c’est pour rejoindre l’être singulier qu’elle est, devenir le sanglier du titre - un mot qui vient du latin singularis (“qui vit seul”) et qui, outre “sanglier”, a également donné singulier. Un roman donc, dont la charge d’émotion sensuelle et de trouble exquis sur fond de présence filigranée de l’Énigme qu’est toujours un peu la réalité du monde sensible, en fait un livre initiatique - ou une invite à retrouver l’innocence de vivre.
Richard Blin, Le Matricule des Anges, février 2017 (voir l’article complet ci-contre)