Bonaventura | Domaine Romantique (2003)
Traduit de l’allemand par Nicole Taubes
Si nous avons jugé nécessaire de donner à traduire et à présenter largement Les Veilles de Bonaventura, c’est parce que ce texte est assurément l’un des plus beaux et des plus énigmatiques, “le plus romantique des écrits romantiques” selon l’expression d’Armel Guerne.
Dès leur parution en 1804, Les Veilles suscitent interrogations et enthousiasme. Jean-Paul, à qui l’on attribuera plus tard le livre, voit, derrière le pseudonyme de Bonaventura, Schelling. Le mystère n’est toujours pas levé et parmi toutes les hypothèses, même récemment émises, aucune ne semble définitive (Hoffmann, Brentano, Wetzel). Ce qui est certain, c’est que, quel que soit l’auteur et avec un seul livre, Bonaventura, esprit encyclopédique, est à la charnière du romantisme allemand, comme il est le fil reliant le mystique du XVIIe siècle Jacob Boehme au nihilisme nietszchéen.
Le personnage central du livre est un veilleur de nuit, philosophe et poète, point de convergence de l’ironie et du jeu, mais aussi de la mélancolie et de l’inspiration nostalgique. Tandis que tous dorment, lui reste éveillé, visionnaire dominant la ville, figure emblématique qui, tel un écrivain, soliloque sur tout et sur rien, racontant sa vie, vie incroyable qui nous fait voyager dans l’espace et le temps, d’un théâtre de marionnettes à un asile de fous.
Toute l’ambivalence de l’homme éclate au grand jour, le veilleur de nuit conviant son interlocuteur à passer incessamment de dieu au diable, car le lecteur ne sait jamais s’il est sincère ou parodique, génial ou fou, démiurge ou marionnette. Dans tous les cas, Bonaventura détiendra seul, et sans doute pour toujours, “la clé de cette parade sauvage” et grandiose.