Éditions Corti

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Vathek et ses épisodes

William Beckford | Domaine Romantique (2003)
Édition de Didier Girard

Atroce et infernal selon certains, avatar d’un 18ème finissant et catastrophique selon d’autres, quintessence du pré-romantisme et du solipsisme en version gothique selon d’autres encore, Vathek, s’il a reçu les hommages des plus grands de la littérature mondiale depuis sa publication à Paris, est avant tout l’un des classiques de la littérature romantique noire les moins bien établis. Depuis 1787, en effet, on ne lit qu’une version remaniée, souvent abrégée, de l’histoire du Calife Vathek.

C’est le but de la présente édition que de pallier cette manipulation génétique curieuse. L’édition de Didier Girard revient aux premiers états non seulement du texte de Vathek (l’édition de base proposée est celle de l’édition de Lausanne en 1786, jamais republiée depuis, et le lecteur pourra trouver un appareil critique complet avec les variantes par rapport aux éditions ultérieures) mais encore au texte intégral des Épisodes que leur auteur voulait voir publié avec le texte principal. Ainsi pourra-t-on lire, pour la première fois, la version initiale (‘Histoire des deux amis’) et fort différente du premier épisode (‘Histoire de Firouz et Firouzkah’) et pour chacun des autres (‘Histoire de la princesse Zulkaïs’ et ‘Histoire du prince Barkiarokh’) l’ensemble des variantes, permettant ainsi de revenir au texte de départ alors que toutes les éditions existantes de ce conte noir ont été jusqu’ici parcellaires, tronquées ou malencontreusement « corrigées ». Le texte du présent volume a été établi grâce à une étude minutieuse des manuscrits des Épisodes ainsi que des exemplaires des diverses éditions originales de Vathek.



Présentation des précédentes éditions :



William Beckford avait vingt ans lorsqu’il donna Vathek. Sans doute suivit-il la mode en écrivant un conte oriental et en l’illustrant de quelques épisodes qui lui assignent rang tout près, sinon tout à fait, au cœur des auteurs “noirs”. Mais cet écrivain était véritablement lui-même lorsqu’il réussissait, et visiblement, sans efforts, cette œuvre magistrale, ce Vathek au tour alerte et vif, qu’habite en maints passages le génie même de notre langue, l’esprit de nos meilleurs conteurs, et qui est proprement dans la belle tradition de chez nous : Beckford est un écrivain français. Il a, discrètement, proposé son chef-d’œuvre à nos suffrages, comme on offrait, jadis, une pièce de maîtrise à la corporation où l’on rêvait de compter. Il serait temps de le reconnaître, une bonne fois, et définitivement pour nôtre. Et pas seulement en petit comité, mais largement, comme il se doit envers un hôte de qualité qui a payé sa naturalisation spirituelle dans la seule monnaie qui puisse intéresser la France.

(José Corti)



Longtemps connu pour son seul Vathek (1872), chef-d’œuvre unique d’un des rares écrivains anglais d’expression française, récit de voyage initiatique, William Beckford eut un destin aussi incroyable et fascinant que celui de son conte, oriental et gothique.

Sa vie comme son œuvre sont paradoxales. Jeune homme prometteur, “fils le plus opulent d’Angleterre”, selon le mot de Byron, ouvert à toutes les cultures (latine, française, italienne, arabe ou persane), à tous les arts (pianiste, chanteur, compositeur, collectionneur averti), il est aussi un proscrit parcourant longtemps l’Europe avant de venir s’enterrer en Angleterre une fois l’interdit levé ; il est ce voyageur infatigable et cruel qui erre pour rêver ; il est ce débauché fasciné par la dévotion et la pompe catholique ; l’enfant de la nature qui court les bois ; l’artiste épris d’artifice.



La découverte progressive de son œuvre (que nous continuerons à explorer) montrera que derrière cet écrivain, longtemps considéré comme marginal, se cache une figure emblématique du véritable siècle des Lumières, dont on a trop souvent ignoré la formidable part d’ombre qu’il recèle.

(Bertrand Fillaudeau)



“L’histoire du calife Vathek commence au faîte d’une tour d’où se lit le firmament, pour finir dans un souterrain enchanté ; tout le laps de tableaux graves ou riants et de prodiges séparant ces extrêmes. Architecture magistrale de la fable et son concept non moins beau ! (...)

Tout coule de source, avec une limpidité vive, avec un ondoiement large de périodes ; et l’éclat tend à se fondre dans la pureté totale du cours, qui charrie maintes richesses de diction inaperçues d’abord : cas naturel avec un étranger inquit que quelque expression trop audacieuse ne le trahisse en arrêtant le regard.”

(Stéphane Mallarmé)