Éditions Corti

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Leonid Andreïev

Oriol, 1871 | Viipuri 1919

Leonid Andreïev est un auteur russe dont l’œuvre est l’une des plus importantes du siècle passé.

Militant antitsariste puis militant antibolchévique, Leonid Andreïev est non seulement un auteur de grande envergure et un photographe particulièrement visionnaire, il est aussi une des consciences prémonitoires du siècle dernier.

“Né en 1871 à Orel, au sud de Moscou, Andreïev perdit très tôt son père. Pour venir en aide à sa famille, il endossa la toge de l’avocat. Il raconta dans une nouvelle de jeunesse comment son rêve d’être le chevalier de l’ordre, le défenseur des opprimés fit naufrage avec sa première plaidoirie : l’idéaliste dut traiter une affaire terre à terre, fut trompé par son client et reçut un pourboire pour avoir prouvé l’innocence de riches fraudeurs. Déçu, il se tourna vers la chronique judiciaire et c’est ainsi qu’il découvrit sa vocation littéraire. Il avait lu Schopenhauer à dix-sept ans, Nietzsche pendant ses années d’études. Il comptait aussi parmi les livres qu’il chérissait le plus Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne et les oeuvres d’Edgar Poe, qui, comme lui, était un «être erratique» dont Baudelaire vantait l’indéfinissable cachet de mélancolie. L’humeur noire l’avait rendu timide, ombrageux, prisonnier de l’alcool et des obsessions suicidaires.

Ses premières nouvelles, parues en 1901, traduisaient cette hantise de la mort. Mais la noirceur de son univers exprimait si bien les angoisses de la fin du siècle et du nouveau millénaire que la Russie se reconnut dans ces cantiques du néant. Le succès ne le lâcha pas jusqu’en 1909, puis ce fut le déclin et l’oubli après sa mort, en 1919, malgré l’attention que lui prêta Hollywood à travers Victor Sjöström qui adapta une de ses pièces, Celui qui est giflé, dans un film intitulé Larmes de clown. Lon Chaney y jouait le rôle d’un savant volé, bafoué, trahi, devenu saltimbanque par un ultime désir d’avilissement. Ce n’est sans doute pas un hasard si Sjöström, qui devait incarner l’homme rompu des Fraises sauvages d’Ingmar Bergman, s’était passionné pour l’oeuvre d’Andreïev. Les nouvelles les plus célèbres du Russe, la scène du viol dans «Le Gouffre» et celle du meurtre de la prostituée dans «Dans le brouillard», annoncent les terribles séquences, sur les mêmes thèmes, de deux films de Bergman, La Source et De la vie des marionnettes.”

Linda Lê, Andreïev, le Diable probablement,

in Le Monde des Livres, 6 Juin 2000.



Très tôt, Leonid Andreïev (1871-1919) acquiert le sens de l’indignation, une indignation latente, consubstantielle, puisée dans la misère et les humiliations, et qui n’attend que l’occasion de se faire jour. Ce sera au travers de la littérature, sous forme de drames ou de récits romanesques. Dans cette entreprise, Andreïev est secondé par ses études de droit à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Une matière juridique qui, bien qu’austère et abstraite, le plonge au coeur des souffrances et des turpitudes de l’homme. Andreïev pessimiste ? Plutôt outré par la perte des talents et le dévoiement de la vertu. Par l’homme inconséquent, “ bourreau de soi-même ”.

Il a besoin de s’arc-bouter sur des forces contraires. Une autre source d’inspiration, indirecte celle-là : sa vie dissolue, son alcoolisme qui, dans une déréliction complète, le conduiront à trois tentatives de suicide avortées. Toujours en mouvement, soit en lui-même, soit dans l’immensité russe et européenne, il passe de longues périodes en exil, notamment celle qui précède sa mort. La Finlande – qu’il élira très tôt comme terre d’accueil après avoir été chassé dès 1906 par le tsar, ensuite par la Révolution, peu après son avènement – , la Finlande, donc, est pour lui à la fois un lieu littéraire et un lieu extrapolitique où, cependant, il sera rattrapé par ses démons, comme le rapporte Evgeni Zamiatine.

Laurand Kovacks, La Croix, juin 2002.

Quelques auteurs parlent de Leonid Andreïev

"Leonid Nikolaévitch Andreïev était talentueux de nature, organiquement talentueux ; son intuition était étonnamment fine. Pour tout ce qui touchait aux côtés sombres de la vie, aux contradictions de l’âme humaine, aux fermentations dans le domaine ds instincts – il était d’une effrayante perspicacité."

Maxime Gorki



"Il voulait être immense, non pas pour propre compte : il voulait refléter dans son cheminement éphémère d’écrivain la marche du siècle. Il traversait l’histoire de la littérature du XXe siècle d’une démarche qui semblait parfois théâtrale. (...) C’était un don Quichotte au sens le plus magnifique. La grandeur de ce qu’il a créé réside dans sa quête éclatante du grand. La vie de ses livres est une épopée. Derrière son masque respirait le "je" du monde entier, et il ne s’en est pas rendu compte."

Andreï Biely (cité par Olga Andreyev Carliste

in Les Destins de Leonid Andreyev, Adam Biro, 1989.



"Chacune de ses phrases ressemble à l’horrible grincement d’une scie lorsqu’on est un être faible, et au rugissement de la bête lorsqu’on est créateur et artiste. Ces grincements et ces hurlements me transpercent tout entier et me figent ; ils prennent tant et si bien possession de moi que je finis par ne plus sentir aucune âme vivante."

Alexandre Blok


Ame révoltée, barbare mystique, génie teinté de démence, Andreïev se jetait avec ardeur dans le désespoir, mais sa voix, puissante et douloureuse, retentit comme une prophétie pour des temps de détresse. L’étrange le dispute au tragique dans l’univers de ce diable d’homme qui semble s’être toujours souvenu du mot de Zarathoustra, le héros de sa jeunesse : « Il faut encore porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante. »

"Je voudrais que les hommes blêmissent d’effroi en lisant mon livre, qu’il agisse sur eux comme un opium, comme un cauchemar, afin qu’il leur fasse perdre la raison, qu’on me maudisse, qu’on me haïsse, mais qu’on me lise... et qu’on se tue ", écrivait, à vingt ans, Leonid Andreïev dans son Journal. Il ne devait jamais renier cette adresse au lecteur, son semblable, son frère. Les âmes timides sont invitées à diriger leurs talons en arrière avant de pénétrer plus loin dans ces pages sombres. Car il y a du Maldoror chez celui qui se proclamait l’ "apôtre de l’auto-anéantissement ". Ecrivain des nerfs et des sens, Leonid Andreïev avait le don du prophète qui révèle, derrière un monde féerique, une féerie immonde. Devenu célèbre en l’espace de dix ans, disputant la place suprême à Gorki auquel il devait la publication de son premier recueil de nouvelles, il resta toute sa vie fidèle à sa passion de la vérité, qui le conduisait à briser tous les interdits. Cette audace le rendait haïssable aux yeux de la presse conservatrice et faisait de lui l’écrivain russe le plus controversé à l’aube du XXe siècle.

Linda Lê, Le Monde des Livres, 8 juin 2000.

Les éditions Corti ont publié l’intégralité de l’œuvre narrative de Leonid Andreïev dans une traduction de Sophie Benech.

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