Valery Afanassiev | Domaine français (1995)
Les lettres sonores (zvoukovié pis’ma) étaient à la mode en URSS au début des années cinquante, époque dont l’euphorie se limitait à l’abondance du caviar. Ce terme évocateur m’est venu à l’esprit au cours de l’enregistrement que je destinais à un ami de Moscou. Je vivais déjà en Occident.
Pendant une quinzaine d’années, nous avons échangé des cassettes : leurs avantages sur les autres modes épistolaires nous paraissaient indéniables.
J’espère que notre amour mutuel pour Flaubert a préservé ce roman des idées reçues ou grandiloquentes dont les présentateurs de la télévision et la plupart de leurs convives font un usage immodéré
lorsque les conversations roulent sur la Russie et le Tiers-monde, ou sur la littérature.
C’est un roman à clefs, mais ses clefs ouvrent les portes derrière lesquelles se tiennent Montaigne et Sénancour, Tchouang-tseu et Massenet ; et des mots qui n’ont rien à voir avec les mots de Sartre. Derrière ces portes, il y a un homme seul qui parle à un magnétophone.
La solitude ne sera jamais démodée.