Éditions Corti

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Nœuds de vie

Julien Gracq | Domaine français (2021)

En 1980, au moment de la parution de En lisant en écrivant, Angelo Rinaldi, dans « L’express », souligna que Julien Gracq figurait parmi les contrebandiers habiles à faire passer les « frontières séparant les époques ». Plus de 40 ans après, ce constat reste d’actualité, comme si le temps avait eu peu de prise sur ses fragments, toujours devant nous.

Ce qui est frappant avec les textes inédits de Julien Gracq, rassemblés ici, par Bernhild Boie, son éditrice en Pléiade, c’est qu’il est aussi étonnant dans le grand angle (ses centres d’intérêt sont aussi bien historiques que géographiques) que dans le plan rapproché (tous ses textes sur des paysages ou des événements) ou le gros plan (certains textes sur des écrivains, des villes ou des phénomènes littéraires).

Gracq est un observateur pénétrant, sensible, perspicace. Aucune nostalgie ou lamentation dans cette vision du monde. Avec une liberté de ton et de regard inimitables, il nous invite à revoir à neuf nos propres jugements sur l’histoire, les écrivains, les paysages, l’accélération du temps, la détérioration de la nature, le passage des saisons, les jardins potagers, la vieillesse, le bonheur de flâner comme celui de lire.

Cette lucidité sereine donne d’ailleurs à certains fragments une allure prophétique :

(…) la Terre a perdu sa solidité et son assise, cette colline, aujourd’hui, on peut la raser à volonté, ce fleuve l’assécher, ces nuages les dissoudre. Le moment approche où l’homme n’aura plus sérieusement en face de lui que lui-même, et plus qu’un monde entièrement refait de sa main à son idée – et je doute qu’à ce moment il puisse se reposer pour jouir de son œuvre, et juger que cette œuvre était bonne.

Cette prose admirable ricoche de fragment en fragment d’une beauté tantôt lumineuse et tantôt acide. On pense à « la tristesse sans pensée et sans horizon du troisième âge »; embarqué pour une croisière sur le lac Léman. Ou à « la lourde silhouette carrée » des immeubles de banques et d’assurances, les « silos monétaires » de la Suisse.
L'Humanité, La Chronique de Jean-Claude Lebrun, Julien Gracq, toujours actuel.

« Déployées comme des guirlandes de lumière, où des mots rares sortent de l'obscurité à la lueur voisine d'autres termes plus simples et solaires, les phrases de Julien Gracq diffusent des rayons d'intelligence aiguë. Comme des regards fixes et brillants, une série de métaphores oculaires illumine ces textes. Ouvrir les yeux ou les fermer, choisir d'affronter ou de s'abstraire, puiser autour de soi ou dans son for intérieur, aller par les chemins ou rester au fond de son lit, l'auteur oscille entre les deux, dans un clignement de conscience incessant, à fort pouvoir hypnotique.»
Marine Landrot, Télérama, janvier 2021.

Julien Gracq, ce prophète d’outre-tombe qui raconte notre monde post-Covid, par Emmanuel Ruben, Bibliobs.
En 164 pages d’une grande exigence stylistique qui se lisent sans coupe-papier mais où la plume a souvent le tranchant d’un sabre, Gracq s’y montre tour à tour géographe, géologue, météorologue, commentateur du temps qu’il fait comme du temps qui passe, historien, sociologue, philosophe, musicologue, amateur d’art ou critique littéraire.

En 1980, au moment de la parution de En lisant en écrivant, Angelo Rinaldi, dans « L’express », souligna que Julien Gracq figurait parmi les contrebandiers habiles à faire passer les « frontières séparant les époques ». Plus de 40 ans après, ce constat reste d’actualité, comme si le temps avait eu peu de prise sur ses fragments, toujours devant nous.
Marc Escola, Fabula

Un livre qui aurait constitué le moins cher et le plus envoûtant des cadeaux de Noël pour un jeune lecteur (une jeune lectrice) soucieux de s’abstraire des réalités pesantes et des perspectives utilitaires. Car il s’agit d’un ouvrage gratuit, en ce qu’il n’a pas pour visée l’amélioration du monde, bien qu’il ne s’interdise nullement l’analyse ou le jugement. Tout y est subordonné au travail de l’écriture, auquel il est demandé d’abord de produire de la beauté. (...) “Les heures retrouvées de Julien Gracq”
par Maurice Mourier, EaN, 7 janvier 2021.

Nœuds de vie est une ode à la littérature vraie telle que l’entend l’écrivain – celle où la vérité ne s’oppose pas à l’erreur mais à l’informe. L’originalité, l’unicité du style priment : « Ce qui n’a jamais été dit ainsi n’a jamais été dit. » La forme de l’œuvre idéale ne vient nullement d’un plan préétabli, au contraire elle jaillit del’intuition, qui fait des « choix éclairs »pour donner à entendre « une langue résonante avant d’être signifiante ».
Camille Laurens, Le Feuilleton, Le Monde du 7 janvier 2021.

Lisez Noeuds de vie, lisez, relisez, les yeux bien ouverts, Lettrines, Les Carnets du grand chemin, la Presqu’île ou le Rivage des Syrtes. Vous y côtoierez un écrivain d’une liberté réjouissante, qui ne « brûle pas d’exhiber ses singularités intimes » et ne « provoque pas de tout son pouvoir les malignes curiosités du lecteur à son endroit ». Vous y trouverez surtout, stupéfaits, une langue peut-être en train de disparaître (...).
Jean-Yves Chevalier, Marianne, 8 janvier 2021.

Ouvrir un « nouveau » Julien Gracq, un matin d’hiver... Retrouver le parfum délicat de ses passages secrets, l’élixir enivrant de sa langue si particulière, le chatoiement charpenté de son style.
Jean-Claude Raspiengeas, La Croix, 7 janvier 2021
(article complet ci-contre)

“Nœuds de vie” de Julien Gracq : tout simplement un immense plaisir de lecture où résonne à nouveau “cette voix ouatée, secrète, qui chuchote lade ses phrases”, évoquée par son ancien élève, Jean-rené Hugunin.
Thierry Clermont, Le Figaro, 7 janvier 2021.

Nous n’en avons pas fini avec Julien Gracq (1910-2007). Prosateur au style supérieur et à l’intransigeance accomplie – refus logique du Goncourt en 1951 pour Le Rivage des Syrtes après avoir étrillé la comédie des prix dans La Littérature à l’estomac, en 1950 –, Gracq vivait retiré de la vie littéraire mais pas de la littérature.
Antoine Perraud. Ci-contre et sur Médiapart.

On retrouve dans Nœuds de vie le Gracq de toujours, qui ne recherche pas la sympathie, se garde de la mode comme d'une honte et qui, face à l'expression «n'avoir plus de perspective», écrit: «Et si pourtant le salut était là.»
Mathieu Lindon, Libération Next, 10 janvier 2021. Article complet ci-contre, et sur Libération.fr

L'année commence en beauté. Beauté d'un style français qu'un ciseleur du siècle dernier, dont l'atelier gouvernait la Loire, a ouvragé à la manière d'un coffre orné de pierreries. Beauté mélancolique d'un temps révolu, où les églises sonnaient les vêpres dans la campagne, où l'on appelait « feux» les foyers des villages (...).
Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur, janvier 2021. Article complet ci-contre

Il y a amplement matière à débats, affrontements et réflexions dans cet opus, si mince mais si dense comme toujours chez Gracq. C’est d’ailleurs, selon lui, le secret de toute prose bien ordonnée, ce sens des proportions entre le nombre de mots que l’on utilise pour écrire une phrase et l’importance de ce qu’elle transporte.
Pierre Assouline, Scintillants éclats de Gracq, République des lettres.