Laurent Demanze | Les Essais (2021)
Pierre Michon brasse l’histoire, les archives et les minutes ordinaires. Ses livres inactualisent pourtant les siècles, pour mieux faire effraction dans le présent, par la violence intempestive d’une énonciation impérieuse.
Scribe au lutrin, aède au crépuscule de l’Empire romain, barbichu sous la Troisième République, acteur beckettien, historien romantique, chasseur préhistorique, moderniste à contretemps, fin lettré, révolutionnaire des Lettres et écrivain de la Terreur : Pierre Michon est tout cela à la fois, à force de troubler les temps antérieurs et de désordonner l’histoire.
Je voudrais rendre à cette œuvre contemporaine sa force d’irruption et sa puissance d’événement. Au lieu de l’écrivain majuscule, entré de son vivant dans les histoires littéraires, travailler à déclassiciser Pierre Michon. Rappeler en somme la voix barbare qui gronde sous le style, la sauvagerie moderniste tapie sous le souci de réparer les vies ou la brutalité préhistorique sous l’ambition démocratique.