John MUIR | Domaine Romantique (2006)
Traduit par André Fayot | Postface Bertrand Fillaudeau
Ce livre a été réédité dans la collection Biophilia, sous le titre “L’Appel du sauvage”
John Muir (1838-1914), alors qu’il reste quasiment inconnu en France, est une des figures mythiques des États-Unis où il est considéré comme le père des Parcs Nationaux et l’un des premiers hommes à avoir perçu les dangers de l’exploitation de la nature – par essence sauvage.
Ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse sont à la fois passionnants et exaltants. John, dès son enfance, est confronté aux difficultés de la pauvreté et du travail tout en étant émerveillé par les beautés de la nature. À leur valeur unique de témoignage s’ajoute une vision du monde qui n’enlève rien à la fraîcheur de ses Souvenirs.
Ses capacités intellectuelles et techniques d’inventeur lui ouvrent toutes les portes mais son choix est fait : « J’aurais pu devenir millionnaire et j’ai choisi d’être un vagabond ». Il travaille et rêve désormais à un jour où la prise de conscience collective obligera les gouvernements à protéger la nature – héritage commun de tous les êtres vivants – en nous mettant en garde dès le XIXe siècle.
Cette démarche à contre courant pouvait paraître à l’époque celle d’un illuminé ; elle se révèle de plus en plus prophétique.
Autant que Thoreau, John Muir restera, grâce à son action et à ses écrits, un « compagnon » des générations futures.
Muir, c’est le héros des écologistes américains ; les Parc Nationaux, c’est lui, et sans lui, les séquoias géants de Yosemite Park auraient été débités en allumettes par les cyniques héros de la libre entreprise. Il faut lire d’abord la postface de Bertrand Fillaudeau, qui nous fait aimer follement cet Écossais élevé à la dure par un père qui maniait la Bible et le fouet. (...) Muir vit dans la nature, qu’il admire comme un don de Dieu et que les hommes défigurent et saccagent. Il n’est pas pour autant rousseauiste, il observe les animaux et voient bien qu’ils tuent en toute innocence au-delà du bien et du mal. Les Muir émigrent au Wisconsin, construisent leur cabane en rondins et bûchent comme des brutes. Mais John "fera la route", beatnik avant la lettre, toutefois sans alcool et sans femmes. Vagabond, il ne se considérera jamais comme un "écrivain", il est beaucoup plus fier de ses dons d’inventeur-bricoleur plutôt farfelu : trop pauvre pour s’offrir une montre, il fabrique une horloge en bois avec laquelle il déclenche le feu dans le poêle de l’école dont il a la charge. Lisez tous les détails.
Michel Polac, Charlie Hebdo, Les Colosses américains, 28 juillet 2004.
Muir est, paraît-il, le personnage le plus commémoré en Californie (on ne compte pas les Muir Peak, Muir Pass, Lake Muir, Mount Muir) (...) et l’écrivain est aussi célèbre que Thoreau. (...) En 1913, il écrit ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, enfin traduits aux éditions José Corti, dont la collection "Domaine Romantique" continue à nous combler, tant par l’originalité des choix de l’éditeur, Bertrand Fillaudeau (qui accompagne les souvenirs de Muir d’une postface concise et pleine d’informations), que par la qualité du travail éditorial. Les Souvenirs sont la meilleure introduction possible à Muir et à son œuvre. On voit un petit Écossais quitter l’Europe pour le Nouveau Monde. Daniel Muir [son père] achète une terre dans le Wisconsin, et le jeune John, 11 ans, découvre la vie des pionniers.
(...) À l’heure où les forêts disparaissent, où la vie sauvage me nace de n’être bientôt plus qu’un souvenir, il faut lire John Muir, et en tirer des leçons : jamais ce grand écrivain naturaliste n’a été aussi actuel.
Christophe Mercier, Le Figaro, 2 septembre 2004
Voulez-vous savoir à quoi rassemblaient Chateaubriand, Walt Whitman et Henry Thoreau lorsqu’ils portaient des culottes courtes ? Lisez le livre de John Muir et vous aurez une idée de ce que ces trois esprits réunis en un seul corps d’enfant auraient pu éprouver.
L’enfance de John Muir, c’est l’enfance du sentiment moderne de nature aux États-Unis d’Amérique et dans le monde occidental, plus généralement.
Cet attrait absolu naît sur le vieux continent, dans une Écosse de jardins, de bains obligatoires dans l’eau glacée, de chats torturés et de bagarres d’anthologie. Il se développe, au bout d’un long voyage en goélette puis en chariot de pionnier, dans une ferme du Wisconsin digne du plus rural des westerns. Se développer, c’est peu dire. Parti du comté de Marquette, John Muir durement élevé au travail de la terre, a bientôt envie de posséder toute l’Amérique. Il rêve de la conquérir avec des machines agricoles mais, à peine a-t-il exposé ses inventions à la foire de Madison qu’il change ses plans. Savant naturaliste et marcheur invétéré, il parcourt alors en tous sens son continent, sans oublier de gagner sa vie ici et là, dans une fabrique de jouets ou dans une scierie, et de publier de temps à autre une intéressante étude sur les plantes de telle région ou la géologie de telle autre. Ainsi devient-il l’amant et le défenseur intransigeant de la terre américaine. C’est d’ailleurs lui qui, protecteur farouche et connaisseur délicat, sera à l’origine du premier parc naturel.
Dans ses souvenirs d’enfance cette épopée est contée sans forfanterie ni grandiloquence. Avec mesure, avec minutie au contraire; Le souffle de l’expérience poétique de cet homme hors du commun, dans la vie et dans la littérature, en est d’autant plus sensible.
Michéa Jacobi, CIPCM 2006